Variabilités génétiques et besoins en vitamine B12 : sommes-nous tous égaux ?
Introduction
La vitamine B12 (ou cobalamine) est essentielle à la santé neurologique, à la formation des globules rouges et à la synthèse de l’ADN. Pourtant, malgré une alimentation suffisante, certaines personnes présentent des déficits fonctionnels. Pourquoi ? La réponse pourrait être dans nos gènes.
1. L’absorption de la B12 : un parcours semé d’embûches
L'absorption de la B12 nécessite plusieurs étapes clés :
Libération dans l’estomac (nécessite un bon niveau d’acide chlorhydrique)
Liaison au facteur intrinsèque (protéine IF produite par l’estomac)
Transport par la transcobalamine 2 (TCN2) jusqu’aux cellules
Des variations génétiques à chaque étape peuvent altérer ce processus.
2. Gènes clés impliqués dans le métabolisme de la B12
FUT2
Ce gène influence la flore intestinale et la capacité à produire le facteur intrinsèque.
Les porteurs de l’allèle non-sécréteur (non-secretor) FUT2 rs601338 (AA) ont plus de risques de carence.
MTHFR (C677T & A1298C)
Impliqué dans la méthylation, ce gène convertit la B12 active (méthylcobalamine).
Les mutations réduisent l’efficacité du cycle de méthylation → besoin accru en B12 active.
TCN2 (Transcobalamine 2)
La mutation rs1801198 (C776G) influence la distribution cellulaire de la B12.
Le variant GG est associé à une moindre disponibilité intracellulaire, malgré un taux plasmatique normal.
MTR & MTRR
Gènes impliqués dans la transformation de l’homocystéine. Des polymorphismes dans MTR (A2756G) ou MTRR (A66G) entraînent une augmentation de l’homocystéine malgré des taux de B12 normaux → signe de carence fonctionnelle.
3. Carence fonctionnelle vs carence biologique
Une personne peut avoir une B12 dans la norme sur sa prise de sang… mais présenter :
des fourmillements
une fatigue inexpliquée
une dépression résistante
une langue dépapillée
des taux élevés d’homocystéine ou d’acide méthylmalonique (MMA)
Ces signes indiquent souvent une carence fonctionnelle, causée par une mauvaise utilisation cellulaire de la B12.
4. Implications cliniques : qui devrait se supplémenter ?
Populations à risque génétique :
Porteurs de mutations MTHFR, FUT2, TCN2
Végétariens/végans (apport faible)
Personnes sous inhibiteurs de la pompe à protons ou metformine
Personnes âgées (absorption réduite)
La forme méthylée (méthylcobalamine) ou l’adénosylcobalamine est souvent mieux tolérée par les personnes ayant des mutations du cycle de la méthylation.
5. Vers une supplémentation personnalisée
L’approche nutrigénomique permet d’adapter :
la forme de B12 (méthylée, hydroxylée, adénosylée)
le dosage
l’association synergique avec le folate, la B6 et le magnésium
Un simple dosage sanguin n’est pas suffisant. Il faut intégrer :
les antécédents familiaux
la génétique
les marqueurs biologiques fonctionnels
Conclusion
Nos besoins en B12 ne sont pas universels. Les variations génétiques modifient notre capacité à absorber et utiliser cette vitamine vitale. Une approche personnalisée fondée sur la génétique, les symptômes et les marqueurs biologiques est essentielle pour prévenir les troubles neurologiques et l’inflammation chronique.